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Titain et Pomponnette

En décembre 1959 j’habitais avec mes parents à Blida, en Algérie, dans un HLM de neuf étages, le bâtiment R, où nous occupions l’appartement 57 de trois pièces, situé au 9ème étage…

Ce bâtiment, parmi d’autres dont la plupart n’avaient que 4 étages, se trouvait en périphérie de Blida, à Montpensier, où en été lorsque l’eau courante ne parvenait pas au delà du 4ème étage, nous allions avec des seaux, chercher l’eau à la fontaine du vieux village de Montpensier.

Seaux qu’il fallait remonter, mais il y avait l’ascenseur (quand il marchait)… Normalement cet ascenseur fonctionnait en mettant une pièce de 5 francs (anciens) dans un boitier… Mais personne ne mettait, en fait, de pièce : l’on introduisait dans la fente, un tube d’aspirine écrasé ou quelque bout de ferraille applati… Et ça marchait ! De telle sorte que le Régisseur, encaisseur des loyers et des pièces de 5 francs de l’ascenseur, faisait piètre recette avec l’ascenseur…

 

En ce mois de décembre 1959 j’allais sur mes douze ans et me rendais souvent, quasiment tous les jours chez nos voisins occupant l’appartement 58 formant angle du bâtiment, un logement de 4 pièces « famille nombreuse » où vivaient là monsieur et madame Champion et leurs enfants : Mireille allant sur 11 ans, Jean Jacques 4 ans, Richard 3 ans et Philippe le petit dernier, un bébé né en août 1959… Il y avait aussi dans ce logement de 4 pièces, la vieille maman, Italienne, de madame Champion, qui prisait (sa fille fumant des Bastos). La mémé ne parlait qu’Italien ou Arabe, très peu et très mal le Français.

 

Monsieur Champion travaillait comme ouvrier sur les voies ferrées en gare de Blida, et gagnait à l’époque 70 000 francs (anciens) par mois, plus les allocations familiales ; autant dire que chez Champion « on roulait pas sur l’or » et les fins de mois étaient très difficiles…

Ma mère, souvent, dès le 20 du mois et parfois même avant, faisait passer discrètement à madame Champion, un billet de 5000 francs… Mon père, inspecteur des PTT aux télécoms, au Central Téléphonique de Blida, gagnait lui, 120 000 francs par mois ; on était donc « des riches » et, à midi – pas forcément rien que le dimanche, ma mère mettait sur la table au repas de midi, une bouteille de Château Romain (un « pinard » qui coûtait 230 francs)…

Mon père à cette époque, fumait des « camélia sport » et avec mon argent de poche j’achetais « Pim Pam Poum » en album de 60 pages, Mickey, les Pieds Nickelés, et des pains de pâte à modeler…

 

Les vacances de Noël approchaient, chez Champion dans tout l’appartement, d’une pièce à l’autre, en liberté, circulait Titain le lapin, depuis un mois environ, que monsieur Champion avait acheté au marché pour 5 francs…

Ce Titain était comme un chat de la maison, apprivoisé, peu farouche et je jouais avec lui ; il faisait ses crottes (des petits pois noirs) sous les lits, il mangeait des épluchures de légumes…

Au lendemain de la Noël, chez Champion, je cherchais Titain, et ne le trouvant pas je demandai à madame Champion « où est passé Titain » ?

Je revois encore le visage penaud et les yeux dans les pantouffles de madame Champion qui « ne savait quoi dire » de la disparition de Titain…

 

Un autre jour, très précisément le 20 mai 1960, disparaissait tragiquement et accidentellement Pomponnette, une chatte que madame Champion avait recueillie perdue dans le village de Montpensier…

Cette Pomponnette était grimpée sur la rambarde du balcon, le long de la coursive desservant les 6 appartements de l’étage, et en dérapant, elle est tombée du 9ème étage et s’est écrasée tout en bas…

 

 

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