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  • Quelques autres figures emblématiques d'usagers-clients de la Poste, de 1976 à 1999

    L’on disait, avant que la Poste « Pététique » ne devienne la Poste « financière et commerciale » donc avant 1991… « Les usagers » de la Poste »… Puis passé 1991 on a dit « la clientèle, les clients »…

     

    Voici donc « quelques figures emblématiques » d’usagers, puis de clients, de la Poste de Bruyères dans les Vosges…

     

    - Mercredi jour de marché et de très grande affluence aux 2 guichets, vers 11h 30 arrivait le marchand de poissons – en blouse bleue – pour « passer un coup de fil » : je ne vous dis pas, à chacune de ses apparitions, l’odeur de « poisson pourri » (d’amoniaque) qui envahissait toute la salle du public et les guichets, je revois encore Claudette Louis au guichet 2 se boucher le nez, ou Fabienne Marchal la jeune auxiliaire chic et classe dans sa jolie robe qui « manquait de se trouver mal »…

     

    - Un jour que je remplaçais Claudette Louis au « Petit Guichet » je vois arriver une dame assez « plantureuse », visage bouffi cheveux en bataille, mal fagotée, d’une cinquantaine d’années… Qui me demande « Passez moi le 7 à Passavant »…

    J’ouvre des yeux gros comme des soucoupes, ignorant totalement que certaines régions de la ruralité française à l’époque – on était en 1976- n’étaient pas reliées au réseau automatique (je venais de Paris et « j’atterrissais » à Bruyères)…

    Il me fallut tourner la manivelle d’un téléphone noir ancien modèle afin de joindre un central et demander à une opératrice ce 7 à Passavant (une commune de la ruralité dans la Haute Saône)…

     

    -Un autre jour j’étais au guichet 1, vers 15h, arrive monsieur Deschaseaux grand patron de l’ONF de Bruyères, un personnage « assez antipathique », corpulent, arrogant, autoritaire (jamais le mondre sourire, un regard glacial)… Venant récupérer un paquet qui lui avait été adressé, mis en instance au bureau de poste. À ce moment là, il y avait grande affluence devant chacun des 2 guichets, une queue de 8 à 10 personnes…

    Je me rends à pas rapides vers la petite pièce au fond servant de dépôt des paquets sur des étagères, monsieur Dechaseaux m’avait dit que le paquet était plat, qu’il venait du « Livre de Paris », je le repère, inséré dans une énorme pile d’autres paquets, et « manque de bol », en essayant de l’attraper, je fais tomber toute la pile et « vlan » le paquet de monsieur Deschaseaux effectue un vol plané et vient atterrir brutalement sur le carrelage dans un grand bruit de claquement sec… Les gens dans la file d’attente ont tous vu et entendu le paquet claquer au sol, et monsieur Deschaseaux furieux s’est écrié «  voilà un livre que j’ai payé la peau des fesses c’est une honte de voir comme vous le traitez ! »

     

    -L’ONF ayant une boîte postale, c’était chaque jour « Trompe la Mort » - c’est ainsi que nous le surnommions- un grand type de visage sec et sombre, toujours vêtu d’une gabardine noire qui devait dater des années 1940, qui venait prendre le courrier de la boîte postale de l’ONF, il enfournait le tout dans une vieille serviette en cuir très usée, jamais nous n’avions vu une seule fois ce type sourire, il était « triste comme la mort » d’où le surnom dont nous l’avions gratifié…

     

    -Il y avait aussi la secrétaire des Papeteries Mougeot, une jeune femme, qui ne souriait jamais, ne décrochait pas un mot ni bonjour ni merci, que tous et toutes à la Poste s’accordaient à dire d’elle que c’était « une porte de prison », c’est elle qui venait pour le courrier – très volumineux et avec jusqu’à une dizaine de colis – déposé dans l’une des plus grandes cases des boîtes postales, elle mettait les lettres dans un cartable usagé et effectuait plusieurs aller-retour afin de charger les colis dans la camionnette des Papeteries Mougeot…

    De tout le personnel de la Poste j’étais le seul à avoir droit à un sourire de sa part, le seul à ne pas la dénigrer, à tel point que les autres se moquaient de moi en disant « v’la la copine à Guy »…

     

    -Jean Luc Hollard, un célibataire très esseulé, disgrâcié et déconsidéré des Bruyérois, qui avait eu une enfance difficile sous l’autorité d’une mère l’ayant « mené à la dure » ; dont on disait à Bruyères – notamment les « mauvaises langues » (mais pas seulement) – qu’il était « riche et radin » et qu’il avait hérité d’un confortable patrimoine immobilier (des immeubles dans une rue de Rambervillers localité voisine de Bruyères de 20km)… Il tenait à l’angle de la rue Abel Ferry et de la rue Jules Ferry en face du « Globe » (un café restaurant) un commerce de « mercerie bazar » qui avait la particularité de ne recevoir que très peu de clients, de telle sorte que Jean Luc Hollard, toute la journée, « arpentait de long en large » l’intérieur de son magazin, ou bien se tenait durant des heures debout, dehors, devant l’entrée du « bazar », regardant et observant les gens passer – personne ne lui disait bonjour…

    Du temps où j’étais conseiller financier clientèle à la poste de Bruyères, du 2 octobre 1989 au 12 janvier 1999, il m’arrivait de lui rendre visite dans son magazin, non pas forcément pour lui proposer un « placement » mais pour lui « tenir compagnie » un moment… Il m’expliquait qu’il tenait son commerce, essentiellement (du fait de sa « position stratégique » en plein centre de Bruyères) afin de « voir passer du monde »… « Sans en avoir l’air de rien » - il était toujours très modestement vêtu sans la moindre originalité et superflu – il connaissait tout le monde à Bruyères, « savait tout » sur chacun -notamment les autres commerçants, et beaucoup d’habitants de Bruyères…

    Il faisait partie de la fanfare municipale et à tous les défilés de célébration 11 novembre, libération de Bruyères en 1944, etc. … On le voyait en tenue de pompier jouant de la clarinette…

    J’avais avec lui durant chaque fois plus d’une heure, de « grandes conversations » et je réalisais que ce personnage si déconsidéré de ses concitoyens, était très cultivé – littérature, sciences, histoire, musique, connaissance du monde…

    On disait de lui qu’il était « radin » mais en fait, il n’avait pas de besoins particuliers, il vivait sa vie tout simplement, au jour le jour, sans projets…

    En matière de connaissance de la vie de chacun à Bruyères, « il en savait plus que moi qui, en tant que conseiller clientèle à la poste, « recueillait quelques confidences »… Mais autant lui que moi, nous « gardions pour nous » ce que nous savions ou avions appris, des uns et des autres dans cette « bonne ville de Bruyères »…

     

    - Abel, encore… « Ce pauvre Abel »… Un célibataire, dans les années 1980, d’une quarantaine – cinquantaine d’années, vivant lui aussi très esseulé, qui venait tous les matins à la « Renaissance » (un café en face de la Poste) s’accouder au comptoir et boire un demi de bière…

    Avant le 11 janvier 1982 quand la Poste se trouvait 11 rue Général De Gaulle, tous les matins à la pause de 8h 30 -9h, nous nous réunissions entre postiers à La Renaissance pour le petit déjeûner – café, croissants, ou pâtés lorrains individuels achetés à la boulangerie de la place Jean Jaurès…

    Immanquablement l’on y rencontrait, chaque matin, ce « pauvre Abel » que les clients et habitués de La Renaissance « asticotaient » afin qu’il « raconte des conneries » et à cette fin, on lui « payait à boire » force demis – et parfois même des « petits verres » de calva ou d’eau de vie de mirabelle… Et « ça réussissait toujours » - en fait « tout le monde se foutait de sa gueule, à ce pauvre Abel »… Il finissait ou accompagnait tous ses « discours » en répétant à chaque fois qu’il avait un beau-frère très bien placé aux PTT à Nancy…

    À force de boire des demis et des « petits verres » il était devenu alccolique et un jour, il est parti pour une cure de désintoxication à l’hôpital psychiatrique de Ravenel (du côté de Mirecourt)… Les toubibs l’ont laissé repartir chez lui avec « une tonne de médocs » et trois semaines après son retour on l’a trouvé mort chez lui, il avait absorbé des tubes entiers de médicaments…

    À chacune de mes visites au cimetière de Bruyères « ce cimetière où je n’ai pas les miens » je m’arrête devant la tombe de ce « pauvre Abel »…